Editorial 2018

du bulletin de la Société des Amis des Monuments Rouennais :

• S'il est, dans notre ville, un souvenir marquant de l'année 2018, ce sera sûrement celui des grands chantiers, notamment de voirie, ouverts un peu partout, aussi bien rive droite que rive gauche, de l’avenue Jean-Rondeaux à Saint-Sever. Préparation de l’Armada oblige : Rouen devra offrir le meilleur visage en juin 2019 et l’on doit souhaiter que tous ces travaux soient terminés à temps. Dans l’immédiat, force est de s’armer de patience, à travers rues barrées, files uniques de circulation et difficultés accrues de stationnement. Si l’on espère que l’implantation de la nouvelle ligne d’autobus T4 n’aboutira pas à pérenniser l’actuel embouteillage sur les boulevards, le plus spectaculaire est le grand réaménagement des abords de la gare …

Prévus en sept étapes sur au moins un an et demi1, les travaux visent à créer, depuis le boulevard, un vaste plateau piétonnier que les personnes âgées ou chargées de bagages n’apprécieront peut-être pas d’avoir à parcourir. Par ailleurs, l’abattage systématique des grands arbres qui ombrageaient le parking des taxis a dégagé une vue des plus inesthétiques, derrière l’hôtel de Dieppe, sur l’arrière des hauts immeubles bordant le prolongement de la rue Jeanne-d’Arc. Même s’il est sans doute prévu de végétaliser un peu le parvis minéral créé devant la gare, il faudra bien longtemps avant que des frondaisons masquent à nouveau cet aperçu fâcheux d’un bâti incohérent ainsi offert au premier regard de nos visiteurs.

• Autres grands chantiers en cours, celui de la rue du Donjon où une profonde excavation prélude à la construction de l’énorme hôtel programmé tout près de la tour et qui atteindra le niveau de son toit en poivrière ; celui de la Cathédrale où la flèche, entourée d’échafaudages, arborera encore longtemps cette sorte de pansement blanc si dissuasif pour qui aurait voulu la photographier ; celui de l’Aître Saint-Maclou enfin, où se poursuit un minutieux travail dont l’architecte en chef Richard Duplat est venu opportunément présenter l’avancement le 30 mars à l’auditorium des Beaux-Arts. En panne, en revanche, s’avère la reconstruction, sur le vaste espace démoli de la rue du Ruissel, d’un ensemble de logements qui n’était pas sans inquiéter, devant être contigu au fragile pavillon Renaissance dit «des Vertus». Quant au regrettable projet de la rue de La Rochefoucauld, au flanc de l’église Saint-Romain, on aimerait que son retard tourne à l’ajournement pur et simple.

• Notre Commission de sauvegarde, qui se réunit régulièrement pour suivre les travaux en cours ou signaler ce qui menace des bâtiments intéressants, a participé activement au recensement proposé des édifices et autres éléments patrimoniaux dignes d’être retenus au titre du nouveau PLUI en préparation à l’échelle de la Métropole. Les résultats de cette consultation n’ont pas encore été rendus publics. Souhaitons que nos voeux y soient entendus, comme cela avait été le cas pour le PLU rouennais il y a quelques années.

• Sur un plan national, la Commission s’est inquiétée du projet de loi visant à supprimer l’«avis conforme» des A.B.F. ; les AMR tiennent à exprimer leur désaccord avec une telle mesure qui amenuise les possibilités de protection du patrimoine. Ils ont été déçus de la part bien modeste que pourra espérer notre département dans la distribution des bénéfices du «loto du patrimoine» parrainé par l’animateur Stéphane Bern : sur 251 projets dits «prioritaires», deux seulement pour la Seine-Maritime (contre quatre pour le Calvados et trois pour la Manche ou l’Eure), et aucun pour Rouen où l’on aurait aimé voir retenue l’église Saint-Nicaise… On pourra regretter aussi (voir l’article de Guy Pessiot) que n’ait pu être acquis un superbe dessin du XVIe siècle sur vélin, établi pour le chapitre de la Cathédrale et représentant vraisemblablement un projet de flèche pour remplacer celle qui avait été détruite en 1514. Mais l’on se réjouira qu’avec l’appui d’une souscription, nos musées aient pu faire entrer dans leurs collections un très remarquable service à thé destiné à la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, figurant sur chacune de ses pièces une vue de Rouen ou des environs.

• Cette année 2018 est celle du Bicentenaire de la Commission départementale des Antiquités, dont font partie plusieurs membres des AMR. L’histoire et l’action de cet organisme pionnier par son souci du patrimoine seront l’objet d’une journée d’études, le 9 novembre au pôle Grammont des Archives de la Seine-Maritime, à laquelle les AMR sont aimablement invités. Et c’est pour marquer cet anniversaire qu’on a choisi d’évoquer dans un article de ce Bulletin la vie et l’oeuvre d’un des membres les plus actifs de cette commission, le dessinateur Eustache-Hyacinthe Langlois, dont une de nos promenades a permis de visiter la ville natale, Pont-de-l’Arche.

• Notre société, qui disposait déjà d’un site internet fort bien tenu par notre ami Jean-Paul Hellot, vient de faire un pas supplémentaire dans la communication en accédant à Facebook. Une jeune équipe, autour de Jérémy Vivier, s’applique à y donner chaque semaine des informations largement illustrées sur le patrimoine de notre métropole. La notoriété des AMR ne peut qu’y gagner.

enclaveEvoquons enfin deux projets auxquels notre société apporte tout son soutien. Depuis longtemps, le sort de l’Enclave Sainte-Marie – c’est-à-dire des bâtiments muséaux ou autres bordant le square André-Maurois – préoccupe notre société qui lui consacrait déjà un article en 20002. Rappelons la présence, face aux deux musées des Antiquités et des Sciences naturelles, fort à l’étroit dans l’ancien couvent de la Visitation dont ils partagent les locaux, d’édifices construits au XIXe siècle à des fins universitaires, mais aujourd’hui en quasi abandon, voire menacés de ruine. Le projet actuel de la Métropole de constituer à Rouen un véritable «quartier des musées» reste très discret sur l’usage éventuel de ces bâtiments en déshérence. Aussi préparons-nous pour l’automne, conjointement avec les principales associations soucieuses de ce patrimoine délaissé, à savoir l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, les Amis des musées de la Métropole et du Département, la Société d’émulation et la Société d’histoire des hôpitaux, une journée de réflexion et de proposition quant à l’utilisation et à la restauration de ces édifices chargés d’histoire et architecturalement intéressants. Ne pourrait-on en faire, puisque les réserves de tous nos musées doivent, nous dit-on, être entreposées à Déville, des salles d’exposition temporaires ou nouvelles ? Une idée serait par exemple d’y présenter – cela manque étrangement à Rouen – les éléments de nos divers fonds muséaux illustrant l’histoire de la ville et de l’ensemble métropolitain.

• Autre projet, qui semble recueillir l’approbation de la Mairie, la création à travers Rouen d’un itinéraire johannique fléchant et explicitant par des panneaux (dont les AMR pourraient suggérer le texte) les lieux successifs – du Donjon et des restes de la vraie «tour Jeanne d’Arc» jusqu’à l’Historial en passant par Saint-Ouen et le Vieux-Marché – jalonnant le chemin de croix de Jeanne en notre ville. Accompagné d’un dépliant «Sur les pas de Jeanne d’Arc à Rouen», cela valoriserait, du point de vue touristique mais aussi patrimonial, une dimension johannique trop oubliée ici, et cela préluderait aux fêtes, qu’on espère un peu plus grandioses que d’ordinaire, de l’année 2020, laquelle verra le double centenaire et de la canonisation par l’Eglise et de la loi du 10 juillet 1920 décidant (art. 1) que «La République célèbre annuellement la fête de Jeanne d’Arc, patronne du patriotisme»3.

A tous, bonne rentrée A.M.R.

Jean-Pierre CHALINE
président des Amis des Monuments Rouennais

• Dernière minute : un numéro hors série du Rouen Mag vient de paraître, qui nous fait rêver sur une future cité-jardin. Arbres et pelouses partout dans notre ville. Mais autant de places en moins pour garer sa voiture...

Illustrations 2018

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Notes :
1. Lettre d’information, printemps 2018, www.metropole-rouen-normandie.fr, Aménagement-quartier-gare.
2. Voir dans le Bulletin d’information de notre Commission de sauvegarde, n° 27, janvier 2000, l’enquête de Jacques Petit, «Au centre de la ville, l’Enclave-Sainte-Marie» ; et du même, «Quelles perspectives pour l’Enclave Sainte-Marie ?», BAMR 2004.
3. Voir Jean-Pierre Chaline, Rouen et Jeanne d'Arc, un siècle d'hommages, Rouen, Société de l'histoire de Normandie, 2012.

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